Sur le rythme des tambours d'une guerre régionale dont la cadence s'accélère et dont on craint les répercussions sur le sort de la région du Moyen-Orient, la quatrième tournée de l'envoyé spécial présidentiel américain Amos Hochstein dans la région depuis le 7 octobre dernier a eu lieu.

À peine cette tournée terminée, les signaux d'échec de l'objectif escompté, à savoir contenir l'escalade entre Israël et le Hezbollah libanais et éviter le déclenchement d'une "guerre plus grande" dans une région déjà fortement marquée par les conflits, se sont succédé.

Après quelques heures de sa visite en Israël et ses rencontres avec plusieurs responsables, qu'ils soient au pouvoir, notamment le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Yoav Galant, ou des figures de l'opposition représentées par Yair Lapid et Benny Gantz, l'envoyé américain a visité le Liban et rencontré plusieurs responsables, à leur tête le Premier ministre par intérim Najib Mikati, le président du Parlement Nabih Berri et le chef de l'armée Joseph Aoun, mais les résultats ont été contraires aux espoirs, selon des observateurs.

Le hibou dans le ciel d'Israël

Après un calme qui a duré plus de 48 heures durant lequel il n’a lancé aucune opération contre des cibles israéliennes, le Hezbollah a repris ses opérations ce mardi, coïncidant avec la visite de Hochstein à Beyrouth, et est même venu avec une nouveauté : la diffusion d'une vidéo qu'il a affirmé avoir obtenue via un drone appelé "le Hibou" qui a pénétré dans le ciel israélien et pris des images de sites stratégiques et sensibles à Haïfa, dans le nord d'Israël, suscitant des questions sur la façon dont ce drone a pu atteindre ces zones, les filmer librement pendant environ 10 minutes puis revenir au Liban sans aucune réaction de l'armée israélienne.

Ces images ont provoqué un état de confusion en Israël, et des médias hébreux ont qualifié le contenu de cette vidéo de dangereux et le plus inquiétant depuis le début de la guerre, estimant que la publication de telles séquences constitue une ostentation de la part du Hezbollah et véhicule des messages directs sur la capacité du parti à atteindre les profondeurs d'Israël en cas d'évolution des affrontements quasi quotidiens entre lui et Israël vers une guerre élargie.

Tandis que l'armée d'occupation semble avoir tenté de se justifier au milieu d'une vague de critiques croissantes, elle a évoqué la détection de 4 drones appartenant au Hezbollah au cours de la semaine dernière "qui semblent être destinés à la collecte d'informations et à la prise de photos".

Elle a ajouté que "deux drones ont été interceptés, un troisième drone n'a pas pu être suivi par les dispositifs de détection, et un quatrième drone a délibérément été laissé passer pour éviter que les sirènes d'alerte ne retentissent dans toute la région environnante".

L'armée israélienne a poursuivi : "Les drones destinés à la collecte d'informations et à la prise de photos sont difficiles à détecter et à intercepter car ils sont plus petits et ne contiennent pas d'explosifs".

Une guerre sans précédent

Et l'armée a reconnu que la diffusion de ces séquences affecte son image et a affirmé qu'elle travaille continuellement à améliorer ses capacités d'interception ainsi qu'à attaquer des cellules appartenant à l'unité aérienne du Hezbollah, selon la radio de l'armée.

Le journal Yedioth Ahronoth est allé dans le même sens, affirmant que "le système de surveillance aérienne israélien a suivi le drone Hibou sans l'intercepter car il ne représentait pas un danger et par crainte que son abattage provoque des blessures".

Au milieu des appels à enquêter sur ce qui a été qualifié d'échecs, depuis le non-contrôle des attaques du 7 octobre et leur contournement, jusqu'à la méconnaissance des objectifs déclarés de la guerre malgré son entrée dans son neuvième mois, en passant par ce que le drone Hibou a révélé, le ministre israélien de la Défense a déclaré que "la guerre difficile que nous menons est arrivée de manière surprenante et nous avons payé un lourd tribut jamais vu auparavant".

Galant a ajouté : "L'échec douloureux sera discuté et on en tirera des leçons, et ces leçons affecteront notre avenir sur cette terre... Les forces de l'armée, le Mossad et les services de sécurité combattent sur sept fronts depuis huit mois, c'est une guerre sans précédent".

Pour sa part, le ministre israélien des Affaires étrangères Yisrael Katz a mis en garde contre une escalade des tensions dans le nord du pays, déclarant sur la plateforme de réseaux sociaux X : "Nous sommes très proches du moment de décider de changer les règles contre le Hezbollah et le Liban", ajoutant : "Dans une guerre totale, le Hezbollah sera détruit et le Liban subira de lourdes pertes".

Le journal Times of Israel a estimé le bilan des escarmouches quasi quotidiennes à la frontière israélo-libanaise à ce jour à 10 civils tués du côté israélien, en plus de la mort de 15 soldats et réservistes dans l'armée israélienne.

Le journal a également mentionné l'annonce par le Hezbollah des noms de 343 de ses membres tués par Israël, la plupart au Liban mais certains aussi en Syrie.

Plans offensifs au Liban

D'autre part, l'armée israélienne a indiqué que des généraux de haut rang ont approuvé les plans de bataille offensifs au Liban "et ont également pris des décisions pour accélérer la préparation des forces au sol, tandis que les avions de chasse bombardent des cibles du Hezbollah".

Ces développements coïncident avec une pression interne croissante sur le gouvernement de Netanyahou, ainsi que des voix s'élevant pour demander à ne pas entraîner Israël dans une guerre sur plusieurs fronts, en particulier dans le contexte de ce que les médias hébreux ont décrit comme un état d'épuisement de l'armée israélienne à la suite de la guerre de Gaza qui dure depuis plus de huit mois.

Des observateurs estiment que ces développements accroîtront la confusion interne, d'autant plus qu'ils interviennent après un rapport de la Corporation de radiodiffusion publique israélienne (Kan) qui a indiqué que le renseignement militaire israélien avait émis des avertissements clairs concernant une attaque imminente plus de deux semaines avant l'attaque du mouvement Hamas le 7 octobre de l'année dernière, mais les hauts officiers de la "Division de Gaza" de l'armée israélienne l'ont ignoré, ce qui soulève des questions supplémentaires nécessitant des explications.

Des analystes estiment qu'à la lumière de ces signes, la région est sur le point de vivre des journées encore plus chaudes, et les choses pourraient dériver vers le scénario le plus grave, à savoir une guerre régionale avec l'intervention directe de plusieurs parties.