Le président de la plus grande entreprise énergétique au monde a exhorté lundi le monde à accepter les « faits difficiles » selon lesquels le pétrole et le gaz naturel resteront présents pendant très longtemps et que la consommation des deux sources d’énergie devrait au moins croître l’année prochaine, voire une ou deux décennies.

Dans un discours prononcé lors d’une conférence sur l’énergie à Houston, le PDG d’Aramco Saudi, Amin Nasser, a qualifié les calendriers ambitieux des groupes environnementaux d’échecs car le monde continue de consommer des quantités records de combustibles fossiles chaque année.

Il a déclaré : « Nous devons abandonner le fantasme de l’élimination progressive du pétrole et du gaz et y investir convenablement en tenant compte des hypothèses réalistes de la demande. »

Nasser a indiqué que la consommation de pétrole atteindra un nouveau niveau record de 104 millions de barils par jour cette année, et pourrait continuer à croître jusqu’en 2045.

Il a ajouté : « Tout cela renforce l’idée que le pic du pétrole et du gaz est peu susceptible de se produire pour un certain temps, sans parler de 2030. Personne ne mise là-dessus. »

Les commentaires de Nasser interviennent quelques mois seulement après que des pays du monde entier, y compris l’Arabie saoudite, ont conclu un nouvel accord climatique qui appelle spécifiquement à « la transition hors des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques » pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Après l’adoption de l’accord en décembre lors de la conférence des Nations Unies sur le climat, le président du sommet de deux semaines à Dubaï, Sultan Al Jaber, a déclaré que ce nouvel accord « mettra le monde sur la bonne voie ». 

L’accord a été considéré comme pionnier car c’était la première fois que les pays se mettaient d’accord pour aborder explicitement la question des combustibles fossiles et la nécessité de s’éloigner du pétrole, du gaz naturel et du charbon afin de limiter le réchauffement climatique.

Le dernier rapport sur les Perspectives énergétiques mondiales publié par l’Agence internationale de l’énergie prévoit que la manière dont le monde est approvisionné en énergie changera considérablement d’ici la fin de la décennie, grâce à la demande croissante de véhicules électriques et de technologies d’énergie propre.

Le rapport comprend également un avertissement clair : des politiques beaucoup plus strictes sont nécessaires pour réduire les émissions des combustibles fossiles afin de maintenir la hausse des températures à 1,5 degré Celsius d’ici la fin du siècle.

Certains autres dirigeants de compagnies pétrolières ont également averti, lors de la conférence CERAWeek organisée par S&P Global Energy, que la transition mondiale vers des sources d’énergie à faible teneur en carbone, comme l’hydrogène, prendra du temps.

Darren Woods, PDG d’ExxonMobil, a déclaré : « Nous ne sommes pas actuellement sur la voie d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, et l’un des défis ici est que, bien que la société veuille voir les émissions baisser, personne ne veut en payer le prix. »

L’Agence internationale de l’énergie continue de prévoir une croissance de la demande mondiale de pétrole cette année, bien qu’elle ait révisé ses prévisions la semaine dernière pour anticiper un léger déficit d’offre. Le rapport a porté les prix du pétrole au-dessus de 80 dollars le baril.

Keith Stewart, principal stratège énergie chez Greenpeace Canada, a écrit dans un courriel : « La vérité surprenante est que nous disposons déjà d’alternatives moins chères au pétrole et au gaz pour le transport, le chauffage et la climatisation domestiques, ainsi que la production d’électricité, et nous innovons pour remplacer ces usages dans d’autres domaines. »

« La seule question est de savoir si nous rendrons la transition loin des combustibles fossiles assez rapide pour éviter les pires effets du changement climatique et comment nous pourrons soutenir les travailleurs et les communautés dans les régions productrices de pétrole pendant cette période de transition. »