Nouvelles du Canada arabe
Nouvelles
Publié: janvier 13, 2024
Certains des principaux experts économiques des grandes banques canadiennes mettent en garde le gouvernement fédéral contre le fait que, d’un point de vue économique, la croissance démographique record au Canada par l’immigration est insoutenable, voire injustifiée, et ne peut se poursuivre à ce rythme en 2024.
Le principal économiste de la Banque Nationale du Canada (BNC), Stéphane Marion, s’exprime de manière tranchée sur le sujet.
« L’économie canadienne a la capacité d’absorber entre 300 000 et 500 000 personnes par an », affirme Marion, « et dépasser ce niveau crée toutes sortes de pressions : des problèmes d’infrastructures, de places disponibles dans les services de garde et les écoles, ainsi que dans le développement immobilier ».
Le premier vice-président et principal économiste de la Banque Scotia (Scotiabank), Jean-François Perrault, partage cette opinion.
« Nous n’avons pas investi comme il le fallait pour pouvoir absorber toutes ces personnes sans entraîner une perte du pouvoir d’achat pour les consommateurs », déclare Perrault.
Les deux économistes, qui ont participé au dîner annuel du Club économique du Canada hier avec leurs homologues d’autres grandes banques canadiennes, ont souligné la pression exercée par la forte croissance démographique sur le marché de l’habitation, alors que l’offre reste très insuffisante pour répondre aux besoins.
« Cela ne veut pas dire que l’immigration est mauvaise pour le Canada », insiste Marion, « au contraire, elle est très bénéfique, mais il y a des niveaux qui ont été dépassés de manière sans précédent. Donc oui, il y a un problème de perte de contrôle en matière de politique d’immigration et il faut le corriger ».
Impact sur le chômage
Marion ajoute que la croissance rapide de la population au Canada est en partie responsable de la hausse du taux de chômage, « ce qui signifie que les gens entrent sur le marché du travail, mais auront plus de difficultés à trouver un emploi ».
Et bien que l’économie canadienne ait créé près de 500 000 emplois l’année dernière, selon les données de Statistique Canada, le taux de chômage est passé de 5 % en janvier 2023 à 5,8 % en décembre.
Ce qui est un cas inhabituel selon Perrault. « Cela s’explique par le fait que le nombre de travailleurs au Canada est maintenant beaucoup plus élevé qu’il y a un an, mais tous n’ont pas encore trouvé d’emploi ».
Et dans ses prévisions, la Banque Nationale du Canada estime que le taux de chômage pourrait atteindre 7 % en 2024.
Les prévisions de Perrault de la Banque Scotia sont un peu plus optimistes, avec un taux attendu à 6,7 % cette année.
« Il est clair que l’économie ralentit : on prévoit que les employeurs vont licencier un peu de personnel, ce qui est normal dans ce type de situation, mais cela est d’autant plus marqué qu’il y a une hausse du nombre de personnes actives », explique Perrault.
Vieillissement de la société
Dans un rapport analytique publié il y a une semaine, la Caisse Desjardins (Mouvement des Caisses Desjardins) souligne que les conséquences d’une forte croissance démographique sont variées.
L’auteur du rapport, le principal économiste de la banque Marc Desormeaux, indique que cette croissance démographique pourrait « stimuler la consommation et potentiellement raviver l’inflation ».
D’autre part, en comblant en partie le manque de main-d’œuvre causé par le vieillissement de la population, « le boom démographique pourrait également contribuer à augmenter l’offre de travailleurs disponibles et à réduire une inflation potentielle résultant d’une hausse des salaires », ajoute Desormeaux dans son analyse.
Mais Stéphane Marion soutient que le remplacement des travailleurs prenant leur retraite par des travailleurs plus jeunes ne peut justifier les niveaux d’immigration enregistrés en 2023.
« Chaque année, 200 000 travailleurs prennent leur retraite au Canada, et nous parlons actuellement d’une politique de croissance démographique de 1,2 million de personnes. Il est donc évident que nous avons largement dépassé les chiffres liés au vieillissement de la population », déclare Marion.
Il est à noter que, selon les estimations de Statistique Canada, la population du Canada a augmenté de 1,25 million entre le dernier trimestre de 2022 et le dernier trimestre de 2023.
Des données publiées il y a moins d’un mois par Statistique Canada indiquent que la population canadienne est estimée à environ 40 528 396 habitants, avec une hausse de 430 635 personnes au cours du troisième trimestre de 2023, soit une augmentation de 1,1 % par rapport à la population à la fin du deuxième trimestre de cette année. Cette hausse est attribuée à 96 % à l’immigration.
Par conséquent, le taux de croissance de la population au Canada est plus de cinq fois supérieur à celui des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Commentaires