L’armée d’occupation israélienne a mené plusieurs raids, dimanche soir, dans la banlieue sud de la capitale libanaise Beyrouth, visant les branches de l’institution Al-Qard Al-Hassan affiliée au Hezbollah, dont l’une près de l’aéroport "Rafic Hariri International", peu de temps après une menace israélienne de les frapper.

Des vidéos de certaines zones ciblées ont montré une destruction massive des bâtiments visés par les raids israéliens.

Les raids ont touché les branches de l’institution Al-Qard Al-Hassan dans la banlieue sud de Beyrouth, dans les zones suivantes : Burj Al-Barajneh, Harat Hreik, Chiyah, la route de l’aéroport, Hay Al-Selm, et Amroussia dans la région de Choueifat près de Beyrouth.

Qu’est-ce que l’institution Al-Qard Al-Hassan, quels services offre-t-elle, pourquoi Israël la cible-t-elle, et dans quelle mesure les raids israéliens ont-ils endommagé l’institution financière libanaise ?

Qu’est-ce que l’institution Al-Qard Al-Hassan ?

L’institution Al-Qard Al-Hassan a été fondée en 1982, après l’invasion israélienne du Liban, en tant que "association caritative", et le ministère de l’Intérieur libanais lui a délivré la licence officielle en 1987.

L’institution a pour but "d’aider les gens en leur accordant des prêts à des termes déterminés", visant à les soutenir pour "résoudre certains de leurs problèmes sociaux", selon le site web de l’institution.

L’institution n’est pas soumise à la loi libanaise "de la monnaie et du crédit".

Selon le site web de l’institution, elle "a continué à progresser et à se développer à tous les niveaux depuis sa licence afin de répondre aux besoins croissants des Libanais en matière de prêts".

L’institution dispose de plus de 30 branches à travers tout le Liban.

Après l’effondrement financier au Liban en 2019, l’institution a apporté son soutien à de nombreux Libanais.

Contrairement aux banques à travers le pays, qui ont imposé des restrictions sur le montant que les gens pouvaient retirer de leurs comptes bancaires après la crise financière, les personnes ayant des dépôts dans l’institution Al-Qard Al-Hassan ont pu continuer à retirer leur argent.

En 2007 et 2016, l’institution a fait l’objet de sanctions américaines, Washington l’accusant de "transfert illégal de fonds" au Hezbollah, affirmant dans un communiqué que cette institution "sape la stabilité de l’État libanais".

En 2021, le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Département du Trésor américain a imposé des sanctions à sept individus liés au Hezbollah et à l’institution Al-Qard Al-Hassan.

Un an plus tard, l’administration Biden a imposé des sanctions à deux autres personnes, y compris le directeur de l’institution, Adel Mansour, et à deux entreprises au Liban fournissant des services financiers au Hezbollah.

Quels services propose l’institution Al-Qard Al-Hassan ?

L’institution affirme que son travail est "essentiellement de nature caritative et sociale".

Elle a ajouté dans un communiqué publié en janvier 2023 qu’elle "n’est pas une banque mais une association qui collecte des contributions de bienfaiteurs, et les offre sous forme de prêts sans intérêts à toutes les personnes nécessiteuses, à des termes avantageux".

L’institution souligne sur son site Internet que sa politique permet d’accorder des prêts sans discrimination fondée sur des critères religieux, sectaires ou régionaux.

Les services offerts par l’institution comprennent plusieurs formes de prêts, notamment des fonds de coopération sociale qui encouragent les personnes proches les unes des autres à créer un fonds commun de coopération sociale, leur permettant d’obtenir des prêts à remboursement facile.

Les services incluent également des prêts garantis par les contributeurs, où le contributeur ou participant parraine l’emprunteur pour un montant ne dépassant pas la contribution financière, et le prêt est remboursé sur une période n’excédant pas 60 mois, en versements mensuels égaux débutant un mois après la réception du prêt.

Les services comprennent aussi des prêts avec dépôt d’or, où le demandeur de prêt hypothèque une quantité d’or dépassant la valeur du prêt demandé, jusqu’à un maximum de 6000 dollars, et le prêt est remboursé en versements mensuels égaux, la période de remboursement ne dépassant pas 36 mois.

Pourquoi Israël cible-t-elle l’institution Al-Qard Al-Hassan ?

Les raids israéliens visant l’institution Al-Qard Al-Hassan surviennent alors que l’occupation prétend qu’elle constitue le bras financier du Hezbollah, dans le cadre de ses efforts pour cibler l’infrastructure et la logistique du parti.

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, a signé lundi soir un ordre ajoutant "Al-Qard Al-Hassan" à la liste des groupes qu’Israël a classés comme organisations terroristes.

Cette classification fait partie d’une campagne plus large menée par le gouvernement d’occupation pour cibler les ressources économiques du Hezbollah, selon un rapport publié par le journal américain The New York Times.

Shlomit Wagman, ex-présidente de l’Autorité israélienne de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, a affirmé que "Al-Qard Al-Hassan" était devenue l’institution financière principale du Hezbollah, responsable de la protection d’environ 750 millions de dollars par an de financement iranien.

Dans un communiqué publié après les récentes attaques visant l’institution dimanche soir, l’armée d’occupation israélienne a déclaré qu’elle "finance directement les activités terroristes du Hezbollah", y compris l’achat "d’armes et les paiements à des agents dans l’aile militaire du Hezbollah".

Elle a ajouté que les frappes faisaient partie des efforts d’Israël "pour affaiblir l'infrastructure terroriste du Hezbollah, ses capacités militaires et sa capacité à se reconstruire".

De son côté, le responsable des relations médias du Hezbollah, Mohammad Afeef, a déclaré que les bombardements visant les centres de l’institution Al-Qard Al-Hassan sont totalement injustifiés.

Afeef a ajouté lors d’une conférence de presse tenue mardi midi que l’institution Al-Qard Al-Hassan est une institution civile agréée, et que le parti ne reçoit pas ses allocations de celle-ci.

Cependant, des observateurs estiment que le Hezbollah ne reçoit pas de soutien financier de l’institution "Al-Qard Al-Hassan", selon un rapport de l’agence américaine Associated Press.

L’analyste politique libanais Faisal Abdul Sater, qui suit de près les affaires du Hezbollah, a déclaré que le parti ne finance pas ses activités via l’institution, estimant que les fonds déposés auprès de l’institution appartiennent à des individus et des entreprises, et que le système financier en bénéficie aux personnes à faibles revenus.

Abdul Sater a qualifié les raids israéliens ciblant l’institution de "coup symbolique".

L’institution "Al-Qard Al-Hassan" a-t-elle été endommagée par les frappes israéliennes ?

Les experts estiment qu’il est peu probable que cette mesure en elle-même cause un dommage au financement du Hezbollah ou aux opérations de l’institution Al-Qard Al-Hassan.

L’institution a tenté de rassurer ses clients, indiquant dans un communiqué publié tard dimanche soir qu’elle avait évacué toutes ses branches et transféré l’or et les autres dépôts vers des zones sûres.

L’agence Associated Press a cité l’expert économique libanaisLouis Habibe, disant que la destruction des branches de l’institution Al-Qard Al-Hassan n’affectera pas le financement du Hezbollah, car ses fonds proviennent d’Iran et de riches donateurs dans le monde.

Lina Khatib, chercheuse associée au Chatham House, a déclaré que les clients de l’institution croient toujours que "le Hezbollah sera capable de les dédommager pour leurs pertes".

Khatib a noté que les opérations de l’institution Al-Qard Al-Hassan, comme celles de toute institution financière, ne se limitent pas aux actifs matériels ciblés par les frappes, selon un rapport de l’agence Associated Press.