Avec une hausse sans précédent des prix de l'immobilier, Toronto, la plus grande ville du Canada, fait face à une crise du logement croissante qui pèse lourdement sur la vie de ses habitants, et dont les effets se sont étendus aux centres urbains proches.

Cette crise présente plusieurs facettes, dont la plus marquante est la hausse historique des prix des maisons et des loyers, ainsi qu'une pénurie sévère de logements abordables, une situation qui aggrave la crise immobilière que traverse le pays en général.

Cette situation menace l'image du « rêve canadien », les données publiées par l'institut à but non lucratif « Angus Reid » indiquant que 3 Canadiens sur 10 envisagent de quitter leur province en raison de l'incapacité à supporter les coûts du logement.

Hausse fulgurante
Un rapport publié sur le site spécialisé en immobilier Zumasa mentionne des chiffres illustrant la hausse immense des prix des maisons à Toronto au cours des cinq dernières années - basés sur les données de « l'Association canadienne de l'immeuble » - la hausse s'élevant à 42,8%, avec un prix moyen passant de 746 500 dollars canadiens (environ 543 000 dollars américains) en 2019 à 1 065 800 dollars canadiens (environ 776 000 dollars américains) en 2024.

Le marché locatif n'était pas en meilleure posture, puisque le rapport national sur les loyers publié à la mi-2023 par deux institutions immobilières majeures au Canada indique qu'en dépit d'une hausse moyenne des loyers dans le pays de 20% entre 2021 et 2023, Toronto a connu une augmentation de 41%, soit le deuxième taux le plus élevé au pays à cette époque.

Cette hausse est qualifiée de « stupéfiante » dans certains rapports, le loyer moyen pour un appartement d'une chambre s'étant élevé à 1 600 dollars en 2013, et ayant bondi à 2 503 dollars en 2022.

Dilemme des nouveaux arrivants
Certains rapports spécialisés indiquent que les prix du logement sont restés relativement abordables de 1970 au milieu des années 2000, période durant laquelle la capacité à payer un logement s'est détériorée davantage.

Cette évolution brutale est due à une série de facteurs interconnectés, en premier lieu l'accroissement continu de la population de la ville de Toronto avec l'augmentation des vagues de nouveaux arrivants au pays, les données du ministère de l'Immigration canadien confirmant que la majorité de cette catégorie tend à s'installer en zones urbaines.

Dans ce contexte, la région du Grand Toronto a accueilli à elle seule jusqu'à 35% des nouveaux arrivants, sa population ayant augmenté d'environ 880 000 entre 2013 et 2022 pour atteindre 7,2 millions, et devrait dépasser 8,3 millions en 2031.

Le coronavirus affecte le marché immobilier
Un autre paradoxe lié à l’augmentation des nouveaux arrivants à Toronto est la pénurie sévère de main-d'œuvre dans le secteur de la construction, ce qui impacte négativement les efforts pour étendre la disponibilité de logements afin d'atténuer l’intensité de la crise actuelle du marché immobilier.

Les travailleurs partent à la retraite plus rapidement que la capacité à les remplacer, un défi aggravé par la pandémie de coronavirus, certains travailleurs de la construction ayant changé de carrière ou pris leur retraite prématurément, tandis que le Canada a besoin de plus de 500 000 travailleurs supplémentaires dans la construction pour édifier tous les logements nécessaires d'ici 2030.

Une étude réalisée par le « Conseil régional de l’immobilier de Toronto » couvrant plus de 7 millions d’habitants de la région du Grand Toronto révèle que la comparaison entre les résidents en logement abordable et les autres montre que 29% des habitants et 23% des résidents dépensent entre 30% et plus de 50% de leurs revenus pour les coûts du logement, ce qui affecte fortement leur bien-être et les expose à l’insécurité financière, au stress et à l’incapacité à couvrir les besoins essentiels.

Par ailleurs, certains observateurs mettent en garde contre le fait que la hausse des coûts du logement pourrait pousser de nombreuses personnes à quitter la ville, entraînant une perte de travailleurs dans des secteurs essentiels en forte demande, comme le domaine médical.