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Publié: septembre 30, 2024
Depuis des années, des groupes de défense des droits de l’homme et des avocats en immigration militent pour que le Canada cesse d’emprisonner des ressortissants étrangers pour des raisons liées à l’immigration, une pratique qui viole le droit international.
Ils ont cru un instant avoir enfin gagné leur cause.
Depuis 2022, les dix provinces canadiennes ont annoncé, les unes après les autres, qu’elles cesseraient de détenir des immigrants temporaires dans leurs prisons au nom du gouvernement fédéral.
Les autorités provinciales ont donné à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC / CBSA), une agence fédérale, un préavis d’un an, comme l’exigent certains contrats.
Mais la victoire n’a pas duré longtemps.
Ontario continue de reporter la date limite. La plus grande province en termes de population et de taille économique est également celle qui détient chaque année le plus grand nombre de personnes en détention en matière d’immigration au Canada.
Après avoir initialement annoncé qu’elle cesserait d’emprisonner les immigrants à partir du 15 juin 2024, le gouvernement progressiste-conservateur de Toronto dirigé par Doug Ford a accepté de prolonger son contrat avec le gouvernement fédéral jusqu’au 31 juillet 2024.
Le gouvernement de l’Ontario envisage maintenant de maintenir cette pratique controversée pour une année supplémentaire, selon les informations obtenues par Radio-Canada.
« Sur demande du gouvernement fédéral, l’Ontario a accordé une prolongation jusqu’en septembre 2025 pour donner au gouvernement fédéral plus de temps pour moderniser les infrastructures nécessaires à la détention des immigrants (temporaires) », a confirmé Brent Ross, porte-parole du ministère du Procureur général.
« C’est vraiment décevant », a commenté la coprésidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en immigration (AQAADI), l’avocate Stéphanie Valiquette.
« Nous disions que la détention dans les prisons contrevient aux normes internationales et a de graves conséquences pour la santé mentale des immigrants (temporaires). Cela a été reconnu, car nous avons vu les provinces arrêter leurs ententes (avec le gouvernement fédéral) les unes après les autres », a déclaré Valiquette.
« Quand on voit que l’Ontario prolonge son entente avec le gouvernement fédéral pour plusieurs mois, nous considérons cela comme un véritable problème », a affirmé la coprésidente de l’AQAADI.
De son côté, la province de Québec a décidé de ne pas renouveler son contrat avec le gouvernement fédéral, malgré les discussions à ce sujet entre son premier ministre François Legault et le premier ministre fédéral Justin Trudeau.
Toutes les autres provinces, à l’exception de Terre-Neuve-et-Labrador, ont confirmé à Radio-Canada qu’elles ont mis fin à leurs ententes avec le gouvernement fédéral.
Terre-Neuve-et-Labrador, qui fut la dernière province à annoncer son intention de cesser d’emprisonner les personnes en détention en matière d’immigration, prévoit mettre fin complètement à cette pratique à partir du 31 mars 2025.
Des prisons provinciales aux prisons fédérales
Face aux décisions provinciales, le gouvernement Trudeau a choisi d’utiliser les prisons fédérales pour ceux qu’il décrit comme « à haut risque » parmi les personnes détenues en matière d’immigration.
Cette proposition, mentionnée en bas de la mise à jour du budget fédéral présentée en avril dernier, a suscité la colère des anciens ministres libéraux fédéraux Lloyd Axworthy et Allan Rock, respectivement président et membre du Conseil mondial pour les réfugiés et les migrations actuellement.
Malgré une forte opposition au projet, le gouvernement fédéral poursuit dans cette voie.
Par exemple, l’Agence des services frontaliers du Canada a annoncé qu’une prison fédérale dans la ville de Sainte-Anne-des-Plaines, à environ 50 kilomètres au nord de Montréal, accueillera des personnes détenues en matière d’immigration à partir de l’année prochaine.
Cette prison a accueilli certains des criminels les plus dangereux du Canada.
Selon l’avocate Stéphanie Valiquette, ce qui se passe dans les prisons fédérales est une recréation des mêmes conditions largement dénoncées dans les prisons provinciales pendant longtemps.
La détention de ressortissants étrangers pour des questions d’immigration est régie par le droit administratif. Cependant, Valiquette affirme que les personnes détenues en matière d’immigration qui se retrouvent derrière les barreaux subissent le même traitement que les personnes détenues en vertu du droit pénal.
Depuis 2012, l’Agence des services frontaliers du Canada a en moyenne détenu 6 410 immigrants temporaires par année, la grande majorité en raison du risque de fuite.
L’agence pouvait les envoyer dans l’un de ses trois centres de surveillance de l’immigration ou dans des prisons provinciales à travers le Canada, tant que ses ententes avec les provinces étaient encore en vigueur.
En moyenne, 1 784 de ces personnes étaient incarcérées chaque année.
Maintenant, l’agence affirme qu’au 13 septembre dernier, il n’y avait que 21 détenus en matière d’immigration dans les prisons provinciales.
Aux yeux de Valiquette, cela montre que pendant toutes ces années, de nombreux immigrants temporaires qui n’auraient jamais dû être incarcérés l’ont été.
La coprésidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en immigration se réjouit que l’Agence des services frontaliers du Canada accorde désormais plus d’importance aux alternatives, telles que la surveillance communautaire et le recours aux cautionnaires.
Mais Valiquette craint un retour en arrière lorsque l’agence pourra utiliser les prisons fédérales, rappelant que le lieu de détention des immigrants temporaires est une décision qui relève de l’agence.
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