La crevette nordique pêchée dans les eaux du Québec dans le golfe du Saint-Laurent a été pendant de nombreuses années connue sous le nom de "crevettes de Matane", en référence à la ville où la majeure partie de la production de la province est transformée depuis les années 1960.

 Mais après l'annonce cette semaine de la fermeture de l'usine de transformation de la ville par ses propriétaires, il y a une crainte que non seulement la crevette de Matane soit sur le déclin, mais que l'industrie de la crevette au Québec dans son ensemble soit menacée.

Patrice Élement, directeur du groupe industriel des crevettes Office des pêcheurs de crevette du Québec, a déclaré qu'il était difficile d'être surpris par cette fermeture. Il a ajouté que, au fil des années, les températures dans le golfe ont augmenté, entraînant une diminution du stock de crevettes et rendant les conditions plus favorables aux espèces de poissons qui les mangent.

 Élement a déclaré : "Ce n'est pas seulement une inquiétude. C'est une quasi-certitude que si la diminution se poursuit comme l'année dernière, ce sera la fin, surtout avec les conditions économiques qui ne nous aident pas non plus".

La société Royal Greenland, propriétaire de l'usine de transformation de fruits de mer à Matane, a annoncé qu'elle fermerait ses portes en raison de plusieurs facteurs, y compris la baisse des stocks de crevettes, ainsi que le manque de personnel et les "défis financiers croissants", notamment la hausse des prix à quai et la baisse des prix du marché.

 En janvier, le ministère fédéral des Pêches a annoncé que la part des quotas de crevettes nordiques dans l'estuaire et le nord du golfe du Saint-Laurent - qui comprennent des parties du Québec, du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve - serait réduite à 3060 tonnes, contre environ 14 500 tonnes en 2023.

 Élement a indiqué que les quotas étaient d'environ 35 000 tonnes jusqu'en 2015. Il a dit que ce qui restait suffisait pour une poignée de bateaux et d'équipages, au lieu des 80 ou 90 actuellement en activité.

 Marie-Josée Roux, chercheuse à la Direction des pêches, a déclaré que les températures près du fond marin, où vit la crevette nordique, ont augmenté d'environ 1,8 degré sur une période de 13 ans se terminant en 2022. Bien que ce chiffre puisse sembler faible, il est "massif". "Pour des espèces à sang froid comme la crevette, qui ne peuvent pas réguler leur propre température corporelle et étaient déjà à la limite sud de leur aire de répartition dans le Saint-Laurent", a-t-elle déclaré.

Elle a ajouté qu'il y a vingt ans, la crevette se trouvait dans tout le golfe, "mais elle est maintenant plus concentrée dans de petites zones où les conditions lui restent favorables". "Mais cet habitat devient de plus en plus rare."

 Et compte tenu de ces changements, elle a dit qu'il est probable que la crevette nordique devienne "commercialement éteinte" dans le Saint-Laurent, ce qui signifie qu'elle continuera d'exister mais en si petites quantités qu'elle ne soutiendra plus la pêche.

 Élement a déclaré qu'il y avait une certaine déception concernant la baisse des quotas, mais que les pêcheurs ne contestent pas les données concernant la hausse des températures. "Ils l'ont vu de leurs propres yeux et l'ont enregistré sur les thermomètres."

 Il a affirmé : "(La température) augmente, elle augmente rapidement et malheureusement elle menace de continuer à augmenter".

 La nouvelle de la fermeture de l'usine a été un coup dur pour cette ville de 14 000 habitants située dans la péninsule de la Gaspésie au Québec, qui organisait autrefois un festival annuel de la crevette pour célébrer son lien avec cette industrie.

 Le maire de Matane, Eddy Métivier, a déclaré que cette nouvelle représentait "une catastrophe" pour les pêcheurs et les employés de l'usine, "mais aussi un symbole de l'identité de Matane".

 Métivier a indiqué que même si les problèmes de l'industrie ne sont pas nouveaux, la fermeture a été un choc car Royal Greenland avait récemment modernisé ses installations pour étendre la transformation du crabe et du homard, et construit de nouveaux logements pour environ 150 travailleurs temporaires - la plupart mexicains - qui y travaillent chaque année.

Il a déclaré que la décision du gouvernement fédéral de rétablir les visas pour les citoyens mexicains - à un moment où le groupe de cette année était "presque à bord" - a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour l'industrie de Matane, blâmant un manque de communication entre les autorités de l'immigration et des pêches pour ne pas avoir laissé assez de temps pour s'adapter.